Rencontre avec May Day & chronique de « Somewhere To Be Found »
Lorsque nous avions tourné cet excellent HibOO d’Live avec Rod (enfin .. pendant que je le regardais filmer quoi), il était prévu de faire une rapide interview à la fin.
Mais la convivialité du lieu aidant, nous avons littéralement passé au crible l’album et 1h et demi plus tard nous y étions encore. Complètement passionnant mais pas évident à retranscrire pour ne pas endormir le lecteur, peut-être moins passionné de prime abord. J’ai donc tenté l’exercice de la chronique-sans-tout-dire suivie de l’interview-en-ajoutant-des-trucs-pas-dits-dans-la-chronique. Histoire que ceux qui s’arrêtent en cours de route aient l’essentiel.
— Article paru à l’origine sur feu LeHibOO.com —
Parmi le foisonnant bal des sorties de l’automne, s’il y a bien un disque à ne pas rater, c’est celui de May Day, Somewhere to be found.
Chronique
Somewhere to be found s’ouvre sur un titre annonçant un recommencement, Start Again I, avec cette phrase implacable assenée par les voix de Maud et Julien : We’re all going going somewhere we all know, you know. On sent l’issue se dessiner, mais la chanson reste en suspens pour nous guider vers les premières notes de Home, chanson redoutablement efficace qui donne un bel aperçu de l’univers de May Day. Un univers qui semble à la fois complexe et évident, empruntant différents chemins mais toujours guidé par le même fil conducteur: cette quête d’une place, de définition, d’ancrage.
Les différents chemins évoqués sont musicaux car May Day passe aisément d’une ballade folk (Lullaby), à des chansons plus rock (Temper, Wedding Day), avec quelques moments poignants (Broken Glass, à vous couper le souffle; White Knight)… Tout au long de Somewhere to be found nous sommes surpris : par la justesse des arrangements, qui ont juste ce qu’il faut pour sublimer les chansons (les cuivres d’Out of my mind, le piano délicat de Broken Glass, le rétro génial de Gone !) et par les directions empruntées : citons uniquement l’incroyable Closer qui en 3min59 réussit le tour de force de nous emmener sans que cela paraisse incongru une seule seconde sur des sentiers lancinants, complètement pop (au sens Lady Gaga du terme), extrêmement rock et de retomber sur ses pieds sans encombre nous laissant abasourdis d’un tel voyage.
Aux premières notes de Start again II, on sent l’issue annoncée en préambule imminente; mais fort des histoires de Somewhere to be found, le propos se durcit rapidement, les guitares se font plus lancinantes et c’est un final entre le jubilatoire et l’uppercut qui nous embarque littéralement et dont la chute nous prend de court. Sur le flash final, on a envie de relancer le cycle, de réunir à nouveau les deux parties de Start Again, pour le plaisir de refaire le chemin.
Rencontre / Portrait
May Day, c’est un coup de coeur de longue date : d’abord sur maquettes (2006 – merci myspace), puis scénique (depuis 2007), puis confirmé par le très bel EP Meet my love (mai 2011) et enfin totalement sur-confirmé avec Somewhere to be found sorti il y a quelques semaines et chroniqué ci-dessus.
Nous les avons rencontrés pour tourner un HibOO d’Live sur les lieux même de l’enregistrement de l’album et en avons profité pour bavarder un peu. Ou plus exactement plus d’1h et demi. Une passionnante discussion à bâtons rompus, dont je vais essayer de retracer les grandes lignes ici :
Derrière ce nom anglais se cache un duo français : Maud, dont c’était le projet solo pendant quelques années, et Julien qui l’a rejointe en cours de route. Une transition qui semble s’être faite avec naturel et évidence :
[Maud] Je n’avais jamais conçu le projet comme un projet où j’intègrerais vraiment quelqu’un car effectivement c’était hyper personnel, pendant très longtemps c’était moi toute seule avec mes chansons dans mon salon. Mais avec Julien ça a été comme une espèce d’évidence avant même qu’on se soit dit qu’on allait faire quoi que ce soit ensemble. J’ai eu l’impression que c’était la première personne à saisir ce que personne d’autre n’avait vu avant, à réagir à ce qui pour moi était le point d’orgue de certaines chansons. On a un peu la même sensibilité.
[Julien] Au départ je l’ai un peu arnaquée (rires) car je lui ai dit « moi j’adore tes chansons et j’ai envie de pouvoir les écouter chez moi : viens on les enregistre ! ». Et forcément en enregistrant, les idées sont sorties …
Là chacun a sa place, il y a une relation de confiance assez jouissive. J’adore tout ce qu’elle me présente, et les idées que je lui propose font en général mouche. Globalement on est vraiment sur la même longueur d’ondes. Il y a un vrai respect dans ce que l’un et l’autre amènent au projet, nous sommes super complémentaires.
Cette collaboration va d’abord donner naissance à Meet my love, un EP (ou mini-album devrait-on dire, tant il était construit comme tel) et lance officiellement May Day en tant que duo :
[Maud] J’ai l’impression que pour qu’un projet existe il faut un passif, une carte de visite. Le premier EP c’était un peu ça : accoucher de ce passé via des chansons qui existaient depuis un moment. Et sa sortie a été précipitée car on a eu la chance folle de pouvoir faire des premières parties à l’Olympia. (NDLR: de Zazie)
La suite devait être un second EP, dont la sortie était prévue pour mai (May Day oblige ;)) mais ils annonceront finalement la sortie d’un album complet pour l’été, se démenant avec leurs agendas respectifs pour venir à bout de l’entreprise :
[Julien] Le premier EP a mis plus d’un an à naître mais au final c’était la course. Pour l’album, on voulait éviter d’être dans un tel rush. Mais comme on n’est que deux, c’est un vrai travail de fond, les arrangements prennent beaucoup de temps. J’enregistre couche par couche, donc ça peut durer très longtemps… On s’est donc mis une deadline pour avoir un minimum de pression et éviter que ça dure une éternité. Faire ça dans une période ramassée, c’est ce qui donne un esprit, une atmosphère, une unité à l’album. Cela donne quelque chose pour l’âme du disque et le fond et puis c’est aussi là qu’on trouve les bonnes idées : la perspective de l’échéance qui fait naître les évidences.
Le premier extrait de Somewhere to be found, Home est une chanson clef pour May Day, le point de départ de l’album et celle qui met en évidence le lien majeur qui réunit les chansons de l’album : la famille et l’appartenance à la maison, au foyer.
[Maud] On sentait que Home avait quelque chose d’assez porteur, de carte de visite par rapport à la musique qu’on produit. Et Lullaby a cette phrase « somewhere to be found », qui est une formule qui pour moi est un exact équivalent de Home puisque là où on peut nous trouver c’est en général quand on est chez soi. Un équivalence au terme de foyer en beaucoup plus large, en plus poétique, qui englobe bien le thème général.
Outre le fait de sortir des nouveautés en mai, Maud et Julien ont un souci pointu du détail : leur EP comportait déjà une intro et une outro soignées, et l’album s’inscrit dans la continuité de celui-ci (« même joueur joue encore : Start again« ) que Julien pourrait vous expliquer pendant des heures (« La dernière chanson finit sur la même grille d’accord, le même tempo, des instruments en communs. A l’origine, la base de la chanson est la fin de la précédente.« ).
On le sent aussi dans la façon qu’ils ont de donner le temps aux chansons de s’installer, de planer sur la fin … et on le retrouve dans l’objet. Car Somewhere to be found est un vinyl. Avec certes la version CD glissée dedans, mais c’est un album conçu avec une face A et une face B, avec photos et paroles dans le « livret » et même un sticker customisé avec humour, certifiant l’album comme « ukulélé free ». Un bel objet.
[Julien] Vu tout le temps qu’on passe à lécher ces morceaux, c’est important, même si c’est juste un joli emballage, d’aboutir à un truc qui donne envie, qui soit à la hauteur de ce qu’on essaye de donner musicalement.
[Maud] J’ai toujours eu un attachement à la musique physique, passé des heures avec des livrets de CD à la main. Cela fait partie pour moi du plaisir de l’écoute. Et puis le packaging, l’objet, le soin que tu y apportes c’est aussi révélateur de la personnalité de l’artiste. Avoir un objet joli, qui te ressemble, qui colle à la musique, cela me paraît important pour sa place physique dans le monde, se dire qu’il existe. Le digital, y a quand même un côté où t’achètes « des fichiers et une cover », c’est un peu évanescent.
Le design épuré de la pochette a d’ailleurs également comme point de départ la chanson Home :
[Maud] Ma mère est créatrice de broderies et pendant toute mon enfance j’ai vu des broderies à la maison, dont un petit panneau « Welcome Home ». Et c’est vraiment tout ce qui me venait à l’esprit comme image pour Home, alors on a gardé cette idée pour les visuels. La broderie c’est pour moi le symbole absolu de la maison.
Dans les chansons évoquées plus haut, il y a Closer, que l’on peut qualifier d’OVNI et que Maud décrit ainsi : « Quelque chose comme ‘PJ Harvey période « Is This Desire? » rencontre Lady Gaga lors de la soirée d’anniversaire de Donna Summer' » :
[Maud] Au moment d’enregistrer ce titre, on est devenus un peu fous et on a été au bout du truc. La chanson est autant schizophrène que je le suis moi dans ce que j’écoute.
[Julien] On serait bien embêtés d’ailleurs de choisir les 30 secondes pour présenter le morceau sur les sites marchands ! Ce qui me plaît dans ce morceau c’est que tout est complètement assumé : on va à fond dans chacune des ambiances : beatbox, rock, funk, pop…
Start Again I & II, qui prennent tout leur sens une fois le cycle achevé et à la lecture du texte, fait également partie des chansons marquantes et lorsqu’on demande à Maud et Julien leur titre préféré de l’album, c’est vers celui-ci qu’ils se dirigent :
[Maud] Sur le disque, je les aime toutes mais actuellement ma préférence va à Start Again II car j’ai l’impression, au vu des premiers retours que j’ai, qu’elle est un peu sous-estimée donc j’ai tendance à défendre celle que les gens regardent moins. Mais c’est aussi l’une de celles dont je suis la plus contente parce qu’on a été au bout de l’idée, et que sa réécriture a porté ses fruits. En tant qu’auteur compositeur, c’est ma première chanson dont le propos est plus ouvert, qui se positionne ailleurs que « moi toi lui elle ». J’ai l’impression d’être pour la 1ère fois dans un truc qui englobe, « on est tous dans le même bateau ». D’habitude le point d’appui est plus personnel, là c’est un NOUS.
[Julien] Start Again elle est froide, elle passe comme une grosse baffe qui monte très vite, une fulgurance. De mon point de vue de producteur, je suis sensible à la façon dont le rythme se construit, à la façon dont l’espace sonore se remplit, je la trouve très prenante. Si je me place comme un auditeur lambda, c’est un truc qui me touche.
J’allais donc dire, sans équivoque que ma préférée est Start Again II mais comme Maud l’a dit je vais dire Gone.
C’est un morceau assez différent des autres, on s’est véritablement pris la tête sur la direction de l’arrangement et puis Maud a fini par me demander un truc rétro. Alors en une demi-journée, j’ai branché ma guitare à moitié désaccordée, joué la batterie moi-même pour que ça ne groove pas trop, mis peu de micros pour que le son ne soit pas trop bon… et au final ça rend super frais.
[Maud] C’est une chanson triste mais de cow-boy moderne un peu nonchalant.
» Ecoutez « Somewhere to be found » sur Deezer
Suggestions d’écoutes
[Julien] Mumford & sons, parce qu’ils sont ultra connus et tournent partout dans le monde, alors qu’en en France quedalle… et c’est un groupe génial !
Sinon, Ratatat , un duo de new-yorkais que j’écoute à fond en ce moment. Ça défonce, j’adore la production. Et puis il faut écouter Ornette. Absolument.
[Maud]
Olly Knights chanteur et songwriter des Turin Brakes, mon groupe fétiche. Je suis fascinée par le talent d’Olly Knights, ses compos, mais aussi son écriture, son sens de la formule, cette finesse, cette élégance toute british.. et puis cette voix!! Ill se lance aussi en solo en parallèle, il a autoproduit un album qui s’appelle « If not now when » enregistré en analogique (!) avec un documentaire de son enregistrement et j’ai vraiment hâte de voir et d’écouter tout ça.
Et puis récemment, je me suis demandé ce que devenait Lian Ray. C’est le chanteur de Rhésus, que je suivais à la grande époque de myspace. Il produisait énormément, seul, et je trouvais ses chansons hyper bien foutues, home made mais pourtant déjà bien produites, et l’univers très poétique. Il fabriquait ses pochettes à la main, et vendait ses EP comme ça, tout seul. Et puis plus de nouvelles, mais apparemment il serait à Paris et terminerait des titres, donc peut-être du neuf bientôt.
Somewhere to be found – Tracklist
- Start Again I
- Home
- Lullaby
- Closer
- Broken glass
- Gone !
- White knight
- Wedding day
- Temper
- Out of my mind
- Start Again II
» Se procurer « Somewhere to be found«
Ainsi que chez Gals Rock (Paris 9) et L’International Records (Paris 11)
» www.maydaysmusic.com
» HibOO d’Live : Home + White Knight
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Edit 15h
Non pas que je sois dans une recherche de reconnaissance particulière, mais quand même, des posts pareils ça fait plaisir.
De sentir que quelque part les quelques moyens que tu peux mettre en oeuvre pour aider à faire connaître un projet, peuvent avoir un écho, petit certes mais tout de même. Alors quand il s’agit d’un projet dans lequel tu as grande foi, c’est quand même (très) agréable pareil retour.