Ce n’est plus chez toi
Cela faisait longtemps. Longtemps que tu n’avais approché cette partie de la gare. Les quais te sont familiers, mais pas les trains. Ils ont changé.
Cette ligne tu la connaissais par cœur. Tu te surprends à regarder le panneau d’affichage. Tu comptes les stations. En descendant, tes pas te guident automatiquement. Tu vas chez une amie de longue date. Ce trajet tu l’as fait des centaines de fois.
Tu reconnais le portail, la maison et ses vieilles pierres. L’intérieur n’a pas changé. Ces maisons familiales au mobilier ancien, réconfortant. Et l’escalier. Y monter en chaussettes. Tu te rends compte que ça te manquait. Monter l’escalier en chaussettes. Une action anodine. Mais qui ne t’arrive plus jamais.
Tard dans la nuit, tu repars avec une autre amie. Tu conduis, les routes sont familières mais tu hésites sur le chemin. Tu te surprends à être surprise de te souvenir.
L’hésitation de ceux qui sont désormais de passage sans point de chute dans des espaces qui ont été leurs.
Tu te rappelles aussi la maison, où tu la déposais jadis. Tu t’y arrêtes cette fois. L’escalier à nouveau. L’ambiance familière, familiale, réconfortante.
Au matin, tu reprends le train. De plus loin. Tu revois ton ancienne gare.
Là où tu ne t’arrête plus. Ce n’est plus chez toi.