Carnets de reportages du XXIème siècle

Carnets de reportages du XXIème siècle

S’il m’est souvent arrivé d’acheter des CD sur unique foi de leur pochette, c’est plus rare pour les livres.

Ici ce n’est pas tant la couverture qui m’a attirée (pas franchement belle pour le coup), que le format et le titre : « Carnets de reportages » avec un objet aux bords arrondis et avec le fameux élastique des vrais carnets, forcément ça m’a donné envie de feuilleter.

La mise en page m’a plu immédiatement : photos, annotations griffonnées, tampons de passeports reproduits … C’est bête à dire mais c’est plus la maquette du livre que le sujet qui m’a décidée à l’acheter.

Et il s’avère que le contenu est absolument passionnant : un duo de reporters, Manon Quérouil-Bruneel (aux récits) et Véronique de Viguerie (aux photos) regroupent ici quelques reportages marquants qu’elles ont pu faire pour divers magazines (dans des pays pas simples : Soudan, Somalie, Nigéria, Irak …) et les agrémentent de leur regard backstage, nous situant le contexte, ajoutant des anecdotes, des photos plus persos …

Ce genre de reportages on en a tous lus, mais sans trop faire attention, sans se poser les questions de qui étaient les gens à qui l’on devait ça, des conditions dans lesquelles ils les avaient réalisés … ce livre montre l’envers du décor, et est en cela passionnant.

Mais pour le coup, il gagnerait à changer de couverture, un pêle-mêle de photos par exemple, ou même juste d’être un peu éclaircie, moins masculine !

Quelques extraits :

Le reporter n’est pas un observateur neutre et invisible, et les aléas de ce métier sont parfois les meilleures histoires qui soient. (…) Quand elles sont relatés avec la bonne dose d’humour et d’auto dérision, toujours nécessaires sans quoi on vire facilement aux souvenirs un peu barbants, ce sont de merveilleux récits qui en disent parfois plus long que les versions publiées, où les auteurs disparaissent trop souvent derrière leur sujet.
Les carnets de reportages de Manon et Véronique dévoilent avec un humour rafraîchissant les dessous d’un métier que les clichés qui s’y attachent encore trop souvent n’aident pas vraiment à comprendre.
Adrien Jaulmes – Grand reporter (p9)

Prendre le temps de se rendre là où personne ne va, à la rencontre des anti-héros du monde d’aujourd’hui, loin de toute quête du sensationnalisme, voilà le journalisme dans ce qu’il a de plus fort, de plus universel. Et c’est pour voir et lire ces histoires-là que demain, les lecteurs continueront d’acheter des journaux.
Aymeric Mantoux, RDC Optimum (p45)

On ne devrait pas le dire, mais travailler dans des conditions spartiates nous plonge dans un bain d’urgence, de vulnérabilité aussi, qui incite au dépassement. On s’amollirait dans le confort. (p52)

Paradoxalement, les sujets les plus engageants pour notre intégrité physique sont aussi les moins douloureux à réaliser. La peur passe et s’oublie étonnamment vite. (…) Au contraire, il y a des reportages qui impliquent de triturer l’horreur, de fouiller dans les tragédies des autres, de s’astreindre à ne voir et n’entendre que le pire pour ensuite s’appliquer à le garder longtemps en soi, comme une politesse élémentaire envers ceux qui se sont confiés.
Ces reportages-là vident et rongent à petits bouts, quand ceux menés au coeur de la guerre donnent curieusement le sentiment d’être bien vivantes. (p166)

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Carnets de reportages du XXIème siècle de Manon Quérouil-Bruneel et Véronique de Viguerie
Aux Editions Verlhac – 19€

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